Violence conjugale : des organismes au cœur de la lutte

Par : Alexandre Haslin

Longtemps passée sous silence, la lutte contre les violences conjugales est désormais l’un des défis majeurs de nos sociétés. S’exprimant de très nombreuses manières, la violence conjugale est parfois même difficile à déceler, jusqu’à ce que le piège se referme sur la victime. Mais chaque jour, des organismes œuvrent sans relâche pour lutter contre ces violences, qu’il s’agisse d’aider les victimes ou de prévenir le passage à l’acte des auteurs. Plus que jamais, leur rôle est essentiel.

Vous cherchez de l'aide immédiate? Contactez SOS violence conjugale au 1 800 363-9010. Si votre sécurité est menacée, composez le 911.

Reconnaitre la violence conjugale

Si la violence physique est la plus médiatisée, la violence conjugale peut malgré tout prendre plusieurs formes. Il existe en effet de la violence :

  • Psychologique : par exemple, la personne humilie sa conjointe par des propos dégradants
  • Verbale : par exemple, la personne insulte sa conjointe
  • Physique : par exemple, la personne porte des coups à sa conjointe ou menace de le faire
  • Sexuelle : par exemple, la personne oblige sa conjointe à avoir des rapports sexuels
  • Économique : par exemple, la personne contrôle l’argent de sa conjointe

Ces différentes formes de violence peuvent s’exprimer de nombreuses manières qui sont parfois difficilement identifiables par la victime ou son entourage. Claudine Thibaudeau, responsable du soutien clinique chez SOS violence conjugale, explique : « Souvent le partenaire dit [à sa conjointe] que ce n'est pas de la violence, que c'est elle qui exagère, qui est trop sensible, trop exigeante. Plus l'agresseur est habile pour camoufler la violence dans la vie quotidienne, plus c'est compliqué. » Or, la difficulté à reconnaitre une situation de violence conjugale peut être un important obstacle à la demande d’aide. C’est pourquoi SOS violence conjugale met à disposition sur son site web un questionnaire d’autoévaluation, déjà utilisé par plus de 104 000 personnes, pour les personnes qui ont des doutes sur leur relation et le comportement de leur conjoint.

« On n’a pas besoin d'être sûr qu'on vit de la violence conjugale pour appeler. On a le droit de se questionner. »

Pour Mme Thibaudeau, ce questionnaire a un réel impact. « Après l’avoir fait, des femmes vont comprendre qu’elles ont le droit d’appeler. Le questionnaire donne de la validité à leur demande. » Elle précise : « On n’a pas besoin d'être sûr qu'on vit de la violence conjugale pour appeler. On a le droit de se questionner, de ne pas avoir la même vision de la situation que notre partenaire. »

 

SOS violence conjugale : une porte d’entrée vers les ressources d’aideSOS_violence_conjugale3.jpg

« Si les ressources étaient réunies dans une grande bâtisse, on serait le portique d'entrée. » explique Mme Thibaudeau. C’est donc à ce portique que se fait le premier contact, avant de guider la personne vers la bonne porte du bon étage de la bâtisse. « On va d’abord explorer avec la personne ce qu'est son besoin, puis chercher une ressource adaptée et la contacter. » S’il y a besoin d’un hébergement, la recherche peut être plus complexe. « La situation peut nécessiter de nombreuses recherches. Certaines ressources d'hébergement sont surchargées, notamment à Montréal. » Elle précise toutefois : « Si on ne trouve pas, on va toujours essayer d'offrir des alternatives. S’il y a un enjeu de sécurité pour la personne, alors on va lui offrir d'aller plus loin, et de l’aider à défrayer son déplacement au besoin. […] On ne veut pas garder les gens dans le portique. » conclut-elle.

 

Les maisons d’hébergement : des ressources aux multiples services

Parmi les ressources d’aide existantes : les maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale. Ces maisons d’hébergement ont bien plus à offrir qu’un toit, et leur panel de services est large. Tel qu’indiqué sur le site web du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, ces établissements offrent :

  • Soutien téléphonique 7 jours / 24 heures
  • Consultation externe
  • Hébergement sécuritaire
  • Intervention individuelle, de groupe et jeunesse
  • Information, référence, soutien et accompagnement dans les démarches (logement, aide sociale, recours juridiques, etc.)
  • Défense de droits
  • Suivi posthébergement
  • Activités sociales
  • Prévention et sensibilisation dans la communauté
  • Aide aux proches et aux intervenant.e.s sociojudiciaires

Fanny Guérin, Responsable des communications et des relations presse au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, ajoute : « Les femmes ne sont pas juste hébergées avec un lit et une chambre. Les maisons sont des milieux de vie. Les femmes interagissent avec les autres femmes, on organise des soirées d'échanges, des activités pour partager le vécu […] il y a des salles de jeux pour les enfants. » Par ailleurs, il est important de comprendre que les femmes hébergées dans ces établissements restent complètement libres d’aller et venir : « Les femmes peuvent continuer à travailler, entrer et sortir, en respectant certaines règles de vie en communauté bien sûr, mais elles sont très libres. »

Dans ces maisons, tout est fait pour garantir la sécurité des occupantes. « Toutes les adresses physiques des maisons sont confidentielles. » explique Mme Guérin. « Les intervenantes appellent à la dernière minute pour donner l'adresse de la maison, pour faire en sorte que le conjoint ne puisse pas la connaitre. Nous avons des systèmes de surveillance et des protocoles. Par exemple, les intervenantes vont s'assurer de désactiver la géolocalisation des téléphones dès l’arrivée de la personne. On développe aussi des stratégies pour que les femmes ne soient pas hébergées dans le quartier où elles habitent. »

La durée d’un séjour en maison d’hébergement dépend de la situation de la femme : en moyenne, 30 jours. Si la situation est plus complexe, par exemple si une violence post séparation persiste, les femmes sont orientées vers des maisons de deuxième étape. « Ce sont des appartements dans lesquels les femmes sont complètement autonomes et où elles peuvent rester jusqu’à deux ans. »

À savoir : le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale a accès à des banques d’interprète en plus de 40 langues, ainsi qu’à du matériel spécialisé pour les femmes sourdes.

Pour trouver une maison d’hébergement pour femme, cliquez sur le bouton de recherche ci-dessous ou consultez le site du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.

 

Quand demander de l’aide?

Demander de l’aide n’est pas nécessairement une démarche facile à entreprendre. De nombreuses personnes peuvent en effet craindre que toute leur vie soit soudainement perturbée après un appel à l’aide. Pourtant : « Appeler une maison peut avoir des formes peu engageantes. » explique Mme Guérin. « On ne va jamais forcer la personne à quitter son conjoint ou à venir en maison. Appeler, ce n'est pas prendre une décision. Les intervenantes vont d’abord présenter à la personne des options et l'aider à décider ce qui est le mieux pour elle. Elles ne vont jamais prendre de décision à sa place. » Par exemple, les intervenantes peuvent aider l’appelante à préparer, étape par étape, tout ce qu’il y a à faire avant de quitter le conjoint, en assurant sa sécurité. « Toute personne qui a un doute sur le fait qu'elle vit de la violence conjugale peut appeler une maison. Quelle que soit la forme de violence. »

 

De l’aide pour les démarches judiciaires

Les femmes victimes de violence conjugale peuvent avoir de la difficulté à s’adresser au système de justice. Le réseau des Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) offre aux victimes de nombreux services de soutien et d’accompagnement, que la victime ait déposé plainte ou non. Si elle choisit de déposer une plainte, les CAVAC peuvent lui offrir un accompagnement tout au long du processus judiciaire. Consultez le site du réseau des CAVAC pour en savoir plus.

 

Aider les auteurs de violence pour protéger les victimes

La lutte contre les violences conjugales passe aussi par la prise en charge des hommes violents. C’est la mission que se sont donné plusieurs organismes à travers le Québec. 31 d’entre eux sont représentés par À cœur d’homme, une association dont la mission est multiple : favoriser la concertation entre les organismes, organiser des campagnes de prévention et sensibilisation ou encore représenter les intérêts des organismes auprès des instances gouvernementales.

Ces organismes offrent principalement des interventions en groupe auprès d’hommes auteurs de violence. Ces interventions visent plusieurs objectifs :

  • Identification de la violence
  • Sensibilisation
  • Responsabilisation
  • Arrêt d’agir

« On souhaite que la personne fasse un choix de non-violence » explique Sabrina Nadeau, directrice générale d’À cœur d’homme. « On va l'aider à comprendre pourquoi elle fait ça et lui enseigner des stratégies alternatives non violentes. »

Le profil des demandeurs est varié. « La majorité des gens ne sont pas passés par le système judiciaire. Ils ont eu une recommandation de la part d’amis ou d’intervenants de la DPJ, par exemple. D’autres ont déjà été arrêtés [pour des actes de violence] et ont réalisé qu’ils ont besoin de changer leur comportement. »

« Des tabous sont en train de tomber et la résistance des hommes à demander de l’aide diminue. »

Chez À cœur d’homme, on constate une importante augmentation de la demande. Signe que les temps changent? « D’abord il y a eu des investissements de rattrapage, alors que ces organismes ont longtemps été sous-financés. Avec le mouvement #metoo, la médiatisation des féminicides, le gouvernement s’est mobilisé et a injecté des fonds » explique Mme Nadeau. « La conversation a changé aussi. Avant, on n’en parlait pas, ou différemment. Il y a eu beaucoup de campagnes de sensibilisation, des tabous sont en train de tomber et la résistance des hommes à demander de l’aide diminue, notamment dans les tranches d’âge de 20 à 30 ans, qui sont plus à l’aise de consulter. »

Le travail est toutefois loin d’être achevé, et Sabrina Nadeau souhaite aller plus loin. « Il faut réussir à intervenir plus tôt. Trop souvent, on intervient après que le mal est fait. On veut intervenir avant. C’est là la solution idéale, mais ça demande plus d’investissements et de temps. »

En matière de prévention d’ailleurs, il faut savoir que la moitié des organismes du réseau À cœur d’homme offre aussi de l’intervention auprès des adolescents ayant des comportements violents. « Il peut y avoir une transmission intergénérationnelle de la violence. Des hommes qui utilisent nos services peuvent parfois réaliser que leur fils ou leur beau fils a des comportements similaires. »

« La violence est un comportement qui est acquis, répété et transmis. […] Ça veut dire que ça peut être changé. »

Mme Nadeau garde espoir pour l’avenir. « Plus la société va abaisser son seuil de tolérance à la violence en général, plus les gens vont cesser de fermer les yeux et de banaliser, et plus ils vont agir. […] On considère que la violence est un comportement qui est acquis, répété et transmis. Si on part de ça, ça veut dire que ça peut être changé. Il y a de l'espoir que ce cycle de violence soit brisé. »

Pour trouver une ressource d’aide pour hommes auteurs de violence, cliquez sur le bouton ci-dessous ou consultez le site de À cœur d’homme.

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